Il est des ouvrages dont on a envie de promouvoir le discours ou, plus modestement tenter d’inciter ceux que l’on aime, ou qu’on aime moins d’ailleurs, à en dévorer les pages. L’été 2015 fut pour moi, le temps d’une découverte avec le merveilleux livre de Giulia Enders « le charme discret des intestins ».
Dans ma pratique ostéopathique quotidienne, il m’arrive très fréquemment d’inviter certaines personnes à le lire, tant je suis persuadé que la compréhension de leurs symptômes, de leur état, est le passage obligé vers un arrêt des souffrances, un retour au neutre, la réconciliation pérenne avec cette sphère malaimée.
L’été 2016 fut pour moi l’instant de la découverte du livre d’Edgar Morin: « Enseigner à vivre ». Il est des ouvrages à la pensée fulgurante, qui transcendent la compréhension de son propre vécu, comme celle de notre monde. Des ouvrages où il n’y a pas de place pour le superflu, où on ne trouve pas simplement une ou deux idées noyées dans 200 pages juste parce que c’est « le format ». Des ouvrages à la lecture desquels on se perçoit grandi, plus ouvert et en capacité de l’être tous les jours un peu plus. Des ouvrages qui légitiment nos choix éthiques personnels et professionnels qui nous confortent ou nous ré-aiguillent dans notre manière d’être. Alors oui, ce livre là mérite sincèrement d’être lu et relu, recommandé à tous et pas seulement aux dépositaires de l’enseignement stricto-sensu.
Un ouvrage qui permet à chacun d’entre nous de se sentir en capacité, en nécessité, d’enseigner à vivre à ses enfants, son conjoint, ses amis, son « prochain » simplement.
Si ce message peut être mal compris c’est que derrière le mot « enseigner », reviennent à la plupart d’entre nous des relents de par coeur, évaluation/punition/récompense, l’absence de liberté dans le choix de ses pôles d’intérêts, les contraintes imposées péremptoirement à tous sans soucis de l’individualité. Mais ce n’est pas de cet enseignement dont parle Edgar Morin.
Aux temps jadis, étaient l’institutrice, l’Instituteur, Madame ou Monsieur le professeur, dépositaires du savoir, respectés en tant que tels. Autours de cette qualité de « savant », ils organisaient leur enseignement à Vivre, repris quasi religieusement dans l’environnement familial. Leur savoir était bien sur imparfait, mais il légitimait un enseignement sous jacent bien plus important encore: celui du savoir vivre, vivre ensemble.
Ce ne sont pas les connaissances en elles mêmes qui sont intéressantes mais bien la capacité que l’on a développé à pouvoir les critiquer, les organiser les structurer pour en faire jaillir d’autres.
Aujourd’hui, n’importe quel enfant de 10 ans, Smartphone en main, Google au bout du doigt, peut venir bousculer n’importe quel enseignant, instantanément, dans son discours. Ce n’est alors généralement ni formulé, ni perçu comme une objection constructive, ouvrant le débat pour que chacun avance dans sa compréhension. Non, c’est une gifle cinglante à l’autorité du « maitre » et chacun est renvoyé dos à dos dans ses cordes, ses humiliations… triste jeu de rôle où l’enseignant tente de ne pas être déboulonné de son piédestal de « savant »(profonde gageure quand on à Wikipédia comme interlocuteur), et ou l’élève pense s’élever (tout le paradoxe?!) en humiliant son maitre dans ce qu’il croit être son domaine de compétence.
Il est grand temps que chacun prenne conscience de l’absolue nécessité, de cultiver les outils permettant de critiquer, structurer un savoir encyclopédique désormais accessible à tous, instantanément.
L’apprenant doit être bousculé dans ses certitudes Googelesques et l’enseignant ne doit pas s’accrocher dans un reflexe mortifères aux connaissances, mais plutôt à sa capacité, son art, à les structurer, critiquer, comparer, à les faire vivres aux yeux de ses « élèves ».
Bref, comme le dit Edgar Morin, promouvoir l’Eros de l’enseignant, ce « feu sacré » qui lui donne l’envie de donner envie. (A bien y réfléchir, Johnny avait peut être déjà tout compris) Le mal être est systémique alors la réponse se doit d’être systémique et non symptomatique.
Il en va de la société comme de la santé. Attachons nous à comprendre le symptôme le pourquoi de sa genèse et attaquons nous alors aux racines. Il y a une place pour tous: le traitement du symptôme pour faire face à l’urgence, la survie à court terme, mais aussi, et surtout, la compréhension de la cohorte symptomatique et les propositions de changements pour continuer à Vivre. C’est aussi, ce que j’ai lu dans cet ouvrage. Je me sens conforté dans ma pratique quotidienne de l’Ostéopathie; sa philosophie, ses principes, se détachant parfois de l’immédiateté pour mieux s’encrer dans le Vivre au quotidien. Ne pas toujours être le pompier qui décoince le « tour de rein » mais le tuteur de résilience de l’être qui m’offre sa confiance et vient consulter.
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